Yang Sheng Fa
Méthode pour Nourrir la Vie

 

Yang : nourrir, entretenir, élever, préserver
Sheng : vivant, existence, vie, croître, principe vital
Fa : méthode, procédé

Comme on l’a vu sur la page de l’histoire du Qi Gong, le nom Yang Sheng Fa (méthode pour nourrir la vie) est le terme utilisé depuis l’antiquité pour désigner les méthodes de préservation de la santé.
La notion de Yang Sheng (nourrir la vie)  dans la culture chinoise recouvre l’aspect hygiéniste et aussi un aspect philosophique qui sont liés.  


Explication de Hiria Ottino « Dictionnaire de la médecine chinoise »

Depuis la plus lointaine antiquité, la préservation de la santé a été considérée comme une partie intégrante de la médecine traditionnelle chinoise. La médecine et les arts martiaux, inspirés par le confucianisme ou le bouddhisme mais, plus encore par le taoïsme, ont recherché à atteindre l’excellence et la perfection en cultivant et en développant à leur maximum les potentialités naturelles qui, toutes, supposent en premier lieu la préservation de la santé.

Depuis les temps anciens, les médecins préoccupés par la prévention de la santé se sont intéressés à l’étude des causes étiologiques, aux conditions de morbidité ainsi qu’aux « lois de la vie » (sheng ming gui li) concernant la croissance, la maturité, la vieillesse et la mort de tout organisme vivant et ils ont dégagé six principes fondamentaux permettant, grâce à une hygiène de vie adéquate, de prévenir les affections et de retarder le vieillissement.

1. L’adaptation aux lois de la nature
2. L’attention accordée aux facteurs psychologiques
3.
La sexualité et la tempérance
4. La pratique des exercices physiques
5. La diététique et la régularisation des 5 saveurs
6. Les défenses contre les agents pathogènes

 

 
   

Voici un extrait du texte de Xi Kang (223-263) « essai sur l’art de nourrir le principe vital » qui résume les six principes fondamentaux :

Le sage sait que le corps et esprit ne peuvent subsister l’un sans l’autre. Conscient que le principe vital est une chose fragile, et que le moindre excès peut être fatal à la santé, il sait s’en garder et préserve son esprit intacte, comme il apaise les mouvements de son âme afin de conserver l’intégrité de son corps. Il ne donne pas abri à des sentiments d’amour et de haine, la joie et la tristesse n’importunent pas ses pensées. Impavide, il n’éprouve aucune émotion, en sorte que son corps et son souffle sont harmonieux et paisibles. Il pratique les exercices respiratoires. Veille à sa diète et cultive son hygiène, pour que corps et âme soient étroitement solidaires, intérieur et extérieur en parfait accord.

 

 
   

« Nourrir sa vie » du point de vue du philosophe et sinologue François Jullien :

Car, quand je dis ; «  nourrir sa vie », le sens ne peut être étroitement concret et matériel, mais il ne verse pas non plus dans le spirituel- il ne s’agit pas là de «  la vie éternelle ». Ce sens n’est plus réductivement terrestre, mais il ne détourne pas non plus vers le céleste ; « Ma vie » si je la saisis ainsi globalement, est mon potentiel vital. C‘est ainsi que, dans l’antiquité chinoise, les premiers penseurs « naturalistes », réagissant à toute inféodation de la conduite humaine à quelque ordre transcendant que ce soit, religieux ou rituel, ont défini la nature humaine : «  la nature humaine, c’est la vie », rien de plus . Nourrir sa vie ou nourrir sa nature, c’est tout un.

Ainsi le même verbe chinois, sheng, signifie-t-il, aussi bien que « vivre » « naître » de même qu’ « engendrer » : en ne se détachant pas de ces deux autres sens demeurant génétiques, « vivre » ne décolle pas de son processus d’avènement- il n’ouvre pas sur l’« existence » (selon le premier dictionnaire étymologique, le terme sheng signifie avancer, progresser, comme la végétation pousse, sortant de terre et s’élevant). Aussi ce potentiel de vie est-il à cultiver, non pas en lui fixant un modèle (dont se rapprocher, en tant que but), mais comme on fait rendre un champ (le motif matriciel de tout ce savoir – la chine est terre d’agriculteurs) : en sachant à la fois l’exploiter et l’amender ; en le faisant fructifier sans pour autant l’épuiser. 

Le propre du « nourrissement vital » en effet, est de donner à penser à la fois et d’un même mouvement, la promotion et la prolongation de la vie ; on n’y peut dissocier santé et longévité, il n’y aura donc pas à choisir entre les deux.


En étudiant tous ces textes, on comprend mieux pourquoi certains maîtres  de Qi Gong préfèrent encore aujourd’hui  utiliser le terme Yang Sheng Fa ou Yang Sheng Wu (art de nourrir la vie) pour désigner leur pratique.
Cette notion philosophique englobe une vision de la vie qui dépasse largement le terme Qi Gong (entraînement du souffle).



Sources pour cet article :
 

Dictionnaire de Médecine chinoise Hiria OTTINO Larousse 2001
Préservation de la santé (yang sheng)  page 151

Eloge de L’anarchie par deux excentriques chinois traduction Jean Levi
Des nuisances 2004    Essai sur l’art de nourrir le principe vital par Xi Kang   page 66

Nourrir sa vie à l'écart du bonheur François jullien seuil 2005 page 130


 

 
  P.Gaggia©juillet 2017